Aussitôt reçu, aussitôt lu, Vis ma vie avec un utérus est un essai simple et efficace sur ce que les femmes peuvent avoir à affronter avec leur gynéco.
Il faut reconnaître que le simple titre, Vis ma vie avec un utérus, est un pousse à la lecture. En effet, il indique clairement qu’il va être question d’un sujet sérieux, mais avec autant de « légèreté » que possible. C’est un fait : aujourd’hui, les gens veulent bien parler de sujets importants, mais ils ne veulent pas qu’on les plombe… le quotidien est déjà assez morose. Bravo donc à Emmanuelle Friedmann (et aux illustrations de Marie Crayon) pour nous mener l’air de rien, vers quelque chose qui pourrit la vie de trop nombreuses femmes.
Leur utérus ? Non, pas à proprement parler…
Bon, ok, comme la moitié de la population mondiale, je vis avec un utérus… Et ce n’est pas simple tous les jours, d’être une femme. Ne serait-ce que physiologiquement parlant.
Et le simple fait que les femmes doivent se soumettre à un examen régulier chez un médecin dont la spécialité est cet organe (et ceux qui l’entourent), montre bien que ce n’est pas quelque chose à prendre à la légère. Et pour que des toubibs consacrent des années de leur vie à l’étudier, c’est bien qu’ils se soucient de la santé et du bien-être des femmes.
On me souffle dans l’oreillette que ce n’est pas toujours le cas…
L’essai d’Emmanuelle Friedmann décortique avec brio toutes les étapes lors desquelles une femme doit se rendre chez son gynécologue. Et elle l’illustre de nombreux témoignages, à la fois effarants, et qui pour autant, tristement, ne m’ont pas tant surprises que cela. Notons l’intelligence du ton de l’autrice ouais je milite pour ce mot que l’Académie Française a eu l’outrecuidance de supprimer qui reste dans la réflexion, sans jamais tomber dans la polémique inutile.
Ainsi, on suit la vie d’une femme, depuis ses premières règles jusqu’à la ménopause, en passant par son désir ou non d’enfant, la grossesse, l’accouchement, la maternité. Même si on est de plus en plus au courant, des remarques assassines que les femmes peuvent encaisser tout au long de leur vie, on n’en est pas moins insensible aux témoignages recueillis. Et ne croyez pas que les praticiennes soient plus empathiques que leurs alter-ego masculins…
Douleur de règles : fais pas ta chochotte. Pas envie d’enfant : sale égoïste. Envie d’un enfant alors que t’es en couple avec une femme : arrêtez avec vos caprices. Demande d’IVG : enfin, madame, vous auriez pu faire attention. Envie d’un enfant trop tard : ben fallait se réveiller avant. Pas envie d’une contraception chimique : faudra pas venir te plaindre si tu tombes en cloque. Trop grosse : Madame, faudrait voir à ne pas vous laisser aller… Et j’en passe… L’autrice fait un parfait relevé de tout ce qui semble poser problème à certains praticiens, et qu’ils s’autorisent à verbaliser de la manière la plus décomplexée possible. Comme dirait une femme que je connais : « Ces gens méritent juste qu’on se barre en crachant sur leur moquette ».
Alors certes, il y a aussi des médecins extraordinaires…
Et j’ai moi-même été suivie par certains gynécos que je n’oublierais jamais, tant je leur dois. Mais il y en a encore trop qui se permettent n’importe quoi, sans aucune empathie pour leur patiente. Après j’ai du mal à comprendre pourquoi quelqu’un ne se souciant pas du bien-être féminin, pourrait avoir envie de voir des vagins toute la journée… Il y a bien d’autres occupations qui le permettent… Ouais, dit comme ça, c’est délibérément provocateur…
Je vais amener moi aussi ma petite pierre à l’édifice avec quelques anecdotes.
- mon premier doigt dans la chatte ? Un gynéco, à 15 ans, qui ne m’avait absolument pas prévenue… Bon, j’étais déjà complètement à poil et il m’avait allègrement touché les seins… à l’époque, je trouvais ça horriblement gênant, mais je me disais que s’il procédait ainsi, c’était normal.
- première fausse couche, aux urgences. « Ah ben oui, on dirait bien que c’est fini. » Je pleurais, on m’a dit que c’était pas grave, hein, j’avais toute la vie. Des douleurs ? Mais non, vous pouvez parfaitement aller travailler demain.
- première vraie grossesse, un peu à l’ouest sur la question… « Quoi ? Vous ignorez si vous êtes immunisée contre (je ne sais plus quoi d’ailleurs) ? Vous n’avez pas l’impression que c’est criminel de tomber enceinte sans savoir ça ? »
- premier contrôle du gynéco de garde après mon accouchement : « Alors, alors, comment elle se porte cette foufoune ? Allez, écartez-moi les jambes, que je vérifie ça. Ah mais c’est de la belle foufoune qui cicatrise bien… » J’aurais dû lui jeter mon pichet d’eau à la gueule, mais j’étais sur le cul, c’est le cas de le dire.
- A ma gynéco, quelques semaines après, ignorant tout à l’époque de la sombre pratique du « point du mari ». « Mais docteur, je souffre le martyre pendant la pénétration. Vous allez me prendre pour une dingue mais… ils n’auraient pas recousu un peu trop serré ? » Avec le recul des années, et ce que je sais maintenant… et ça a mis un bon moment à retrouver sa souplesse.
Courage, y en a encore…
- moment difficile, IVG… datation obligatoire par échographie. « Ah mais écoutez ce petit coeur qui bat déjà bien fort. Ah pardon, c’est pour une IVG… » 13 ans après, je pleure encore en y repensant…
- Il y a quatre ans, j’ai fait une grossesse extra-utérine. On m’a fait une injection, en me disant de filer aux urgences à la première douleur, car cette méthode fragilisait les trompes, et qu’il ne fallait pas prendre le risque que l’une d’elles explose. Je vous parle du stress dans lequel j’ai vécu jusqu’au retour à zéro de mon taux ?
- Quand enfin mes règles reviennent, je suis prise de douleurs fulgurantes. Je n’ai jamais eu si mal. Forcément, j’ai peur de l’éclatement d’une trompe. Je ne vous dis pas ce que j’ai dû subir pendant six mois… enfin si, dans les grandes lignes. On m’a dit que j’allais devoir m’habituer, que ce n’était que quelques jours dans le mois, que c’était pas si terrible. Allez sortir de chez vous, quand vous vous tordez à en hurler… On m’a envoyé faire une écho (vaginale forcément) : « Ah mais c’est dégueulasse, vous saignez… » m’a gentiment dit la praticienne qui m’a reçue. Ce n’est que complètement par hasard, en discutant d’un autre souci avec mon osteo, qu’il m’a demandé si je n’avais pas des douleurs affreuses aussi dans l’aine, particulièrement pendant mes règles. Il avait juste pris le temps d’écouter et de m’expliquer. Il m’a manipulée deux fois et même si mes douleurs restent plus prononcées qu’avant la GEU, elles sont gérables et j’ai compris leur origine.
En bref, libérons notre parole !
Et merci à l’autrice pour cet essai indispensable, qui m’a aidée à faire le point sur cette partie-là de ma vie. Et à poser sur écran, les épisodes gynécologiques qui m’ont le plus marquée dans ma propre vie de femme.
Selon moi, il aurait pu être aussi question du déni de notre sexe comme accès au plaisir. Question que ne devrait pas oublier nos médecins. Nous ne sommes pas qu’une machine à nous reproduire (ou non). Notre sexe n’est ni sale, ni vicieux, et devrait donc pas subir autant de tabous.
Vis ma vie avec un utérus est le livre à s’offrir et à offrir autour de soi, sans modération. Aux femmes, comme aux hommes.
Ben c’est du lourd… j’ai quelques anecdotes désagréables, mais n’ayant jamais été enceinte à ce que je sache ce n’est rien (du coup j’ai juste eu la gyneco qui m’a dit une fois « bah va falloir vous y mettre » – et ma main dans ta gueule ?)
Ce simple commentaire, tu vois, c’est déjà beaucoup trop !
Merci pour ton passage ici 😉
Une nouvelle lutte contre les violences gynecos est en train de naitre, et c’est tant mieux.
Oui, on avance, et c’est rassurant
J’ai moi aussi entendu pas mal de choses désagréables… Mais quand cela va t’il changer?
Quand j’ai fait ma fausse couche, j’ai dû faire trois urgences différentes car aucune ne voulait me prendre en charge car « de toute manière c’est trop tard! ».
Quelle cruauté 🙁 Je te fais un gros câlin
Chaque fois, ça me fait mal… Maintenant, je dis les choses au praticien, directement dans le cabinet, mais j’ai plus de vingt ans de féminisme de combat derrière moi. Ma première consultation fut on ne peut plus traumatisante et lors de ma dernière consultation avec une gynéco, j’ai refusé qu’elle me pose un stérilet avec la pince de Pozzi (ce truc avec des dents qui mord le col de l’utérus ET QUI N’EST PAS INDISPENSABLE) alors qu’elle me disait que sans, elle pouvait « perforer l’utérus », ce qui est complètement faux (je veux dire, à moins de poser le stérilet avec un marteau). Donc oui, sortir en crachant sur la moquette, ça me paraît pas mal aussi 😉
(Ah et j’ai fait poser mon stérilet en douceur, sans instrument, par une sage-femme adorable qui m’a même proposé de le faire moi-même si je voulais)(mais j’étais trop tendue pour me sentir à l’aise)
Merci pur ce très chouette témoignage. Surtout pour la pose du stérilet : j’ignorais que ça pouvait se passer autrement 😉
Tes anecdotes sont édifiantes (et effrayantes). J’ai aussi fait une grossesse extra uterine. Les premiers mots du gyneco de garde – « Y’a du sang partout, on ne voit rien ». – « Vous faites une petite grossesse extra utérine, on devra peut-être retirer la trompe » et enfin le très délicat « Pas la peine de pleurer, ce n’est pas une tragédie » !
Heureusement j’ai aujourd’hui une merveilleuse gyneco qui m’explique tout et sans jugement.
Y’a encore du boulot c’est sûr, mais le mouvement qui se met en branle et la parole qui se libère fait du bien ! Merci pour ce partage !
Merci pour ton témoignage 😉