Une photo, quelques mots (34)

statue

 © Romaric Cazaux

      Reléguée au fin fond d’un musée, abîmée, étiquetée, le cou cerclé. Attendant d’être restaurée. Ce bandeau de papier au tour du cou lui donne un air de princesse réduite en esclavage. Elle semble porter le poids du destin, résignée. « Main gauche bouge »… essaierait-elle de faire un signe ? Son regard aussi me trouble… on dirait qu’elle voudrait se confier, m’expliquer. Mais je m’égare…

     A fréquenter chaque jour la solitude froide et silencieuse de ces statues, j’en finis par les croire juste endormies, prêtes à me raconter leur histoire. Et puis, elles sont devenues mes confidentes. Surtout celle-ci, avec son air compatissant et sa manière de vous regarder comme si elle vous écoutait vraiment, le menton posé sur la main. Alors comme si elle m’écoutait, je lui ai parlé. Je lui ai parlé de cette femme qui me manque tant et qui doit se sentir elle aussi, comme cette statue, abandonnée… Pour la première fois, on m’écoutait, sans me couper. Alors, j’ai tout dit à cette confidente muette, qui jamais ne répèterait ce qui se trame dans les tréfonds de mon âme. Et puis, j’ai tourné le dos et refermé la porte. Déterminé à avancer.

     Je n’imaginais pas que nettoyer les dédales d’un musée se révèlerait si reposant pour l’âme.

une-photo-quelques-mots1

15 réflexions au sujet de “Une photo, quelques mots (34)”

  1. La confidente idéale… étaler ses son âme et repartir ragaillardie !
    Tu crois que c’est le poids de tous ces secrets qui lui donne cet air si mélancolique ?

    Répondre
  2. Quelle générosité, Stéphie, de rendre hommage à ces gens de l’ombre qui, sans bruit, prennent soin de nos musées.
    Les « techniciens de surface » comme on les appelle de nos jours sont souvent plus cultivés qu’on ne le croit, ils voient beaucoup de choses et sont les témoins de belles anecdotes.
    Une vue originale pour parler de cette photo. J’aime beaucoup 😆
    Bises de Lyon

    Répondre

Laisser un commentaire