Une photo, quelques mots (32)

Privée d’internet, je rattrape mon retard…

 

© Kot

    Partie à ce qu’on dit… Echappée, envolée, volatilisée. Ayant piqué un magot, la Monique. Cela me rappellerait presque l’intrépide Monique de notre jeunesse, celle qui osait tout, qui pensait tout possible. Celle qui faisait tout tournoyer autour d’elle, celle dont je tombai éperdument amoureux un soir d’été. Ah Monique, ma Monique ! Quelques regards, des mains qui s’effleurent, mon corps maladroit qui feint aimer danser. Et quelques mois après, une union, seule évidence.

    Et pourtant, je l’ai quittée… Abandonnée pour suivre les paillettes d’une autre. Des excuses ? Oh, je n’en cherche pas. Je me suis comporté comme un ingrat et pourtant, je ne regrette pas mes choix. Peut-être la manière faire… mais pas le choix.

    Nous fûmes nous aussi, les victimes de la routine : les enfants, les tracas quotidiens. Jour après jour, nous avons cessé de nous regarder, de nous épauler… de nous supporter. Nous étions deux meubles supplémentaires d’un mobilier déjà bien terne. Et c’est à ce moment-là qu’elle est apparue… souriante, radieuse, voluptueuse. Rendant la couleur à la grisaille de ma vie. Alors j’ai tout quitté.

© Romaric Cazaux

     – Maman, tu viens ? Allez, debout, s’il te plait. Viens jouer !

     Ma petite soeur ne pouvait supporter l’immobilité allanguie qui succédait aux repas sur l’herbe. Pour mes parents, rien de plus savoureux que la volupté du soleil sur leur peau, que celle du sommeil léger qui s’invite dans des corps rassasiés. Moi j’aimais me nicher entre eux, profiter de leur torpeur, de ce moment volé où l’on se collait les uns contre les autres, de cette manière de faire passer l’amour que seuls ont les parents et leurs enfants.   

    Ce pique-nique, le dernier sans doute. Cette photo, la dernière sans doute. Dernier vestige de ce que moi, petit garçon, j’avais pris pour la preuve d’une famille heureuse. Photo prise à l’improviste par cette femme qui emporta avec elle notre père.