Laurent Gaudé, pour moi, c’est la valeur sûre ; l’assurance que, quelle que soit l’histoire racontée, la puissance des mots va m’emporter. Et encore une fois, ce fut le cas.
Lors d’un banquet, à Babylone, Alexandre le Grand s’écroule, victime d’un empoisonnement semble-t-il. Commence alors son agonie mais également le retour d’une femme, celui d’un messager et le départ de guerres intestines pour sa succession.
Procédé récurrent chez l’auteur, les voix se croisent et s’enchevêtrent sans vraiment de règle, d’un paragraphe à l’autre. Les voix d’Alexandre, Dryptéis et Ericléops, le fidèle messager, vont donc se mêler et constituer le sel de ce roman. Roman porté par le souffle épique de son style, par une sorte de puissance d’outre-tombe, dans un récit où même morts certains nous parlent encore. Jusqu’au bout, il faudra accompagner le cadavre d’Alexandre, le protéger et le mener vers sa dernière demeure. Mais sur ce cadavre déjà pourrissant, les enjeux sont énormes et tous veulent une part ; oubliant les promesses, décimant tout obstacle.
L’entrée dans le roman n’est pas aisée cependant, un peu comme si l’auteur faisait de ses romans des sortes de sanctuaires. Le style y est travaillé à l’extrême (bridant parfois l’émotion remarqueront certains), l’alternance des voix assez aléatoire ; et le lecteur doit se montrer attentif s’il veut ne pas être abandonné dans les méandres de la narration. Néanmoins, Laurent Gaudé parvient à rendre à cet épisode antique, dans un roman en prose, le souffle antique comme on l’aurait attendu de grands tragédiens classiques. La voix féminine de Dryptéis adoucit quelque peu la violence et le sang qui jalonnent les pages de ce roman.
Avec ce roman, on retrouve le Laurent Gaudé de La mort du roi Tsongor et on ne peut que s’en réjouir.
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