Comme vous le savez peut-être déjà, je suis prof. Récemment, une de mes collègues a été heurtée par les propos tenus dans un livre écrit par une avocate et je lui ai donc demandé de me le prêter.
Cet ouvrage se veut une sorte de guide à l’usage des parents qui se seraient sentis abusés par le système scolaire. Il leur explique quels sont leurs droits et donne une palette d’exemples pour appuyer ses dires.
Autant je trouve normal de rappeler les droits qu’ont nos chères têtes blondes au sein de l’école, autant je me dis que rappeler également leurs devoirs n’aurait pas été superflu. De même, certaines réflexions de l’auteur montrent que si la connaissance légale est sans doute maîtrisée, la conscience de ce qui se passe en milieu scolaire est bien plus elliptique. Quand on voit comment elle reprend les phrases d’un autre essai rédigé par une enseignante, on reconnaît bien là le métier d’avocat, prompt à utiliser des passages hors contexte afin d’affûter sa propre argumentation.
Bien qu’il s’en défende, j’ai trouv que cet essai avait une seule visée : exacerber le conflit entre l’école et les parents. Ce genre d’ouvrage tend à donner l’impression que des faits isolés sont en fait monnaie courante.
Je vais rétorquer quelques petites choses et vite oublier ce genre d’ouvrage :
- autoriser les élèves à aller aux toilettes pendant les cours : certes, on comprend que l’enfant démarrant sa primaire ait encore du mal à s’organiser mais quid des enfants plus grands. On sait, par expérience, que bon nombre d’entre eux se jetteraient sur l’occasion pour aller papillonner dans les couloirs, faire des âneries… et puis qui les surveille à ce moment précis ? Je me permets de signaler ce dernier point puisque l’auteur a fait un superbe chapitre sur les défauts de surveillance.
- les écoles maternelles qui demandent à ce que les enfants soient propres seraient un grave manquement à la loi : certes, mais qui va changer l’enfant souillé ? L’enseignant ? Et risquer de se voir accusé de toucher le corps de l’enfant ? Si je ne dis pas de bêtise (je n’ai pas le temps de vérifier ce matin), les ATSEM n’ont plus le droit non plus de toucher les enfants. alors que fait-on du petit qui a eu un accident ? N’est-ce pas encore plus humiliant de le laisser souillé toute la journée.
- donner des arguments aux parents pour éviter un redoublement : moi je dis OK car après tout, si les parents ne sont pas capables d’entendre que leur merveille n’a pas le niveau recquis pour aller en classe supérieure, ils n’ont qu’à assumer. Ce n’est pas comme si les enseignants étaient des professionnels…
- confisquer un téléphone portable serait un grave manquement : rappelons que l’objet confisqué peut être récupéré par les parents. Et n’oublions pas de dire que l’objet confisqué est en général expressément interdit dans les réglements intérieurs. Et petite précision : quand ils n’existaient pas, on vivait tout de même très bien.
Je pourrais passer la journée à commenter ce livre. Je ne reviendrai même pas sur le chapitre de l’absentéisme car ce qu’il contient comme discours suggéré me rend malade. La majorité des profs n’est pas plus en arrêt que la majorité des salariés d’autres branches. Si les remplacements ne sont pas assurés, c’est ailleurs qu’il faut regarder. Et quand je lis qu’il faudrait mettre devant enfant, n’importe quelle personne un minimum diplômée pour assurer l’interim, je me dis que l’auteur (mais elle n’est pas la seule) n’a aucune conscience qu’enseigner est un véritable métier demandant non seulement d’être capable de transmettre des connaissances (en avoir c’est bien beau) et de gérer un groupe d’enfants ou d’adolescents…
Certes, il y a des abus aussi bien du côté des enseignants que du côté des parents, puisque nous avons affaire à des êtres humains, imparfaits par nature. Mais ce livre, malgré ce qui est prétendu par l’auteur, ne peut pas permettre de rendre possible un quelqconque dialogue. En tout cas, parents qui en voulez à l’institution scolaire, vous trouverez avec délice à la fin de ce livre un certain nombre de lettres-types pour attaquer l’école de votre délicieuse progéniture.
Ceci dit, je suis peut-être une vilaine méchante prof aigrie, moi aussi…
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