les_aubes__carlates    C’est la deuxième fois que je lis cette auteur. J’avais eu la chance de découvrir « Afropean Soul et autres nouvelles », recueil que j’avais littéralement adoré et que je vous recommande.
    Cette fois, c’est dans le cadre du Prix des Chroniques de la Rentrée Littéraire, catégorie « Romans étrangers » qu’il m’a été donné de lire ce roman.

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De quoi ça parle :

    L’histoire se passe dans un coin d’Afrique équatoriale. On y suit des personnages à l’âme et au passé torturés. Leonora Miano tente de dire cette Afrique déchirée qui peine à surmonter le poids de son passé et à aller de l’avant.

    Isilo est un homme dangereux, le plus dangereux des triplés. Il a décidé de remettre l’Afrique sur le devant de la scène politique et historique. Il fait partie de ceux qui ne supportent plus de vivre dans un arrière-plan colonial. Il veut faire table rase du passé et avec cela de tout ce que ça représente, avec une haine illimitée de l’homme blanc. Mais la soif de vengeance qui l’habite va l’entraîner, lui et ceux qui le suivent, dans une avancée meurtrière qui ravagera finalement tout ce qu’il croisera sur son chemin.

    Epa, lui, a réussi à s’échapper. Ayané l’a recueilli et elle essaie doucement de le remettre dans la vie, de lui rendre le goût de vivre.

    Et puis il y a celle que l’on dit folle et qui semble ne pas s’apercevoir qu’elle attend un enfant : Epupa. Dans sa bouche, d’étranges paroles prophétiques. Mais en Afrique, on n’ignore pas les paroles des simples d’esprits et des anciens…

   

Ce que j’en ai pensé :

    C’est un livre qui se lit d’un souffle avec cette impression récurrente d’entendre la voix du griot, d’entendre monter en nous non seulement la voix des esclaves mais aussi celles de tous ceux qui n’ont pas survécu à la traversée dans les bateaux négriers. Et c’est une des nombreuses choses qui m’ont touchée dans ce roman : ne pas avoir oublié la mémoire de ceux qui ont été rejetés dans le ventre de l’Océan.
    J’ai été véritablement touchée par la plume et la voix de cet auteur. J’ai lu beaucoup de littérature africaine dans mes années étudiantes et je suis ravie de voir que les grands auteurs que j’ai pu connaître ont trouvé matière à succession.
    Les années passent mais la blessure reste intacte. Comment trouver une nouvelle voie après un passé si lourd ? Comment se construire quand on souffre par ses racines et que les descendants de l’oppresseur ne veulent pas assumer la part de responsabilité qui leur revient en héritage ? Comment l’Afrique va-t-elle pouvoir trouver son équilibre et devenir un continent libre ? Ce livre n’apporte certes pas les réponses mais il livre avec beaucoup de justesse les souffrances.
    Certains diront qu’on a déjà beaucoup traité de cette question. Je répondrais deux choses : nous n’en parlerons jamais assez et Leonora Miano le fait avec une petite musique qui est lui est vraiment personnelle.
    Un seul regret pour moi : avoir dû commencer par celui-ci dans le cadre du prix. Je vous conseille donc de commencer par L’intérieur de la nuit et Contours du jour qui vient. Ils sont d’ailleurs dans ma PAL et n’y feront plus long feu.

Un passage que j’ai aimé :
     » Qu’il soit fait clair pour tous que le passé ignoré confisque les lendemains.
    Qu’il soit fait clair pour tous qu’en l’absence du lien primordial avec nous, il n’y aura pas de passerelle vers le monde.
    Qu’il soit fait clair pour tous que la saignée ne s’est pas asséchée en dépit des siècles, et qu’elle hurle encore, de son tombeau inexistant.
    Qu’il soit fait clair pour tous que rien ne sera reconstruit, chez ceux qui n’assurèrent pas notre tranquillité.
    Ne crains pas de comprendre, de rapporter notre propos. Nous sommes les cieux obscurcis qui s’épaississent inlassablement, tant qu’on ne nous a pas fait droit. »


    Je vous conseille le billet de Leiloona, dont le blog propose d’ailleurs des avis sur d’autres oeuvres de Leonora Miano.

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