Partager la publication "Le rapport de Brodeck de Philippe Claudel"
C’est le deuxième livre que je lis de cet auteur. Je l’avais découvert grâce à ma copine Gio qui m’avait prêté Les âmes grises. J’avais eu du mal à la lecture de ce roman, car si j’avais été touchée par les personnages, j’y avais trouvé certaines longueurs. Et c’est un peu ce sentiment qui m’a gênée à certains moments du livre, mais j’y reviendrai.
De quoi ça parle :
Un drame a eu lieu dans le village qu’habite Brodeck. Lequel ? Je ne vous le dirai pas car un des ressorts de ce roman est de le découvrir. Pour une raison au départ mystérieuse, il est demandé à Brodeck d’écrire un rapport afin de retracer tout ce qui a mené à cet événement. Et le roman débute ainsi : « Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien. Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde le sache. » Et en effet, Brodeck est plutôt une victime : il est revenu vivant des camps d’extermination. Il a retrouvé sa femme, mais sa femme n’est plus que l’ombre d’elle-même. Et les villageois semblent avoir des choses à se reprocher.
Le roman va donc faire alterner deux histoires finalement plus imbriquées qu’on ne le croit : ce qui a trait au drame et la vie de Brodeck dans les camps.
Ce que j’en ai pensé :
Ce livre m’a bouleversée car Claudel est un maître dans l’art de révéler toute la noirceur de l’espèce humaine. Et là, on évolue dans un village dont la population est gangrenée. Je m’attendais à être encore une fois horrifiée par tout ce qui touche à l’univers concentrationnaire, mais je l’ai été encore davantage par tout ce qui touche aux « dommages collatéraux » de la guerre.
Comme je l’annonçais au début de mon billet, certaines longueurs dans le récit m’ont parfois profondément ennuyée. Heureusement de courts passages à chaque fois, insérés au milieu d’autres passages qui m’ont parfois laissée interdite, pantelante. Des passages pendant lesquels je n’aurais pu refermer le livre. C’est à se demander si les grands moments de calme ne sont pas là pour rendre le reste supportable, pour permettre au lecteur de digérer ce qu’il découvre au fil du roman, guidé par la seule mémoire du narrateur. Ce qui suppose d’ailleurs de nombreuses digressions, de nombreux va et vient dans la chronologie des événements. Le narrateur dit d’ailleurs : « Je ne suis pas conteur. ce récit, si jamais il est lu, le prouve assez, où je ne cesse d’aller vers l’avant, de revenir, de sauter le fil du temps comme une haie, de me perdre sur les côtés, de taire peut-être, sans le faire exprès, l’essentiel. »
Je dois dire aussi que ce que j’aime beaucoup chez cet auteur, c’est son style abordable et travaillé à la fois. Et l’écriture est quelque chose de très important pour moi.
Quelques passages :
– « Si mon récit ressemble à un corps monstrueux, c’est parce qu’il est à l’image de ma vie, que je n’ai pu contenir et qui va à vau-l’eau »
– « Si la créature a pu engendrer l’horreur c’est uniquement parce que son Créateur lui en a soufflé la recette. »
– « Je préfère écrire. Il me semble alors que les mots deviennent très dociles, à venir me manger dans la main comme des petits oiseaux, et j’en fais presque ce que j’en veux, tandis que lorsque j’essaie de les assembler dans l’air, ils se dérobent. »
– « La guerre, c’est une grand emain qui balaie le monde. C’est le lieu où triomphe le médiocre, le criminel reçoit l’auréole du saint, on se prosterne devant lui, on l’acclame, on l’adule. »
– « Lorsque tout va bien pour eux, la présence d’un ou de plusieurs individus étrangers à leur groupe ne les dérange pas, peut-être même en profitent-ils d’ailleurs, d’une façon ou d’une autre, mais dès lors qu’un danger se présente, qu’il y va de l’intégrité de leur groupe et de sa survie, ils n’hésitent pas à sacrifier celui qui n’est pas des leurs. »
Et une bonne nouvelle pour ceux qui seraient tentés : sa sortie en poche est prévue pour le mois d’avril !
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