Le 21 mars dernier, c’était la journée internationale du syndrome de Down (ou trisomie 21). Un code vestimentaire était lancé afin d’ouvrir le dialogue sur le sujet : porter des chaussettes dépareillées. Voici la réaction de mes élèves.
Bon, je ne porte quasiment jamais de chaussettes. Je passe ma vie en jupe ou en robes. Alors j’ai mis des guêtres différentes. J’arrive au collège, impatiente d’avoir des questions. Le souci, quand t’es une prof un peu « originale », c’est que les gamins pensent au choix « elle n’a pas vu qu’elle avait deux chaussettes différentes », « elle lance un nouveau style » ou d’autres choses qu’ils n’ont peut-être pas osé me demander. Et pourtant, j’ai bien vu leurs petits regards curieux à leur entrée en classe.
Aujourd’hui, c’est la journée internationale de la trisomie 21. Alors qui sait ce que c’est ? Les mains se lèvent, assez spontanément. Les 6e en sauront moins que les 4e mais leurs réactions seront plus spontanées. « Ah moi, je sais, c’est les Mongols ! » Je me crispe un peu. Mais l’enfant ne sait en fait pas que ce qu’elle vient de dire est horriblement péjoratif. Je lui explique, elle meurt de honte, devient toute rouge et n’aura de cesse de s’excuser.
Je m’aperçois que les enfants savent finalement assez peu de choses sur ce syndrome, pensent que c’est une maladie, se demandent si ça s’attrape.
De même, ils ignorent beaucoup de choses sur le développement des gens qui en sont porteurs. Mais ils posent des questions, s’intéressent. Sur les 120 élèves vus ce jour-là, un seul aura une réaction très négative, aura des mots qui me restent imprimés dans la tête. Mais ces mots sont ceux qu’il a entendus chez lui, prononcés par quelqu’un qui, pourtant, travaille (contre son gré ?) dans l’éducation spécialisée. Et je pense avoir au moins mis le doute dans sa tête : le discours entendu à la maison est-il le seul valable ?
Bonheur de lancer la conversation avec eux, notamment car l’an prochain, il y aura au collège une de leurs camarades dont le petit frère est porteur de trisomie 21, actuellement en maternelle. Ils sont contents d’en savoir plus désormais. « Mais madame, il faut juste prendre un peu plus de temps pour eux, en fait ? », « Ce sont des gens comme les autres, c’est tout. », « Moi aussi, j’ai besoin de temps, même sans trisomie 21. »
Je leur parle de la petite Louise, leur montre des photos. Ils ne voient qu’une chose « oh, comme elle est jolie ! ». Je leur parle de Madeline, mannequin très connue. Et puis, ils ont vu la météo présentée par la jeune Mélanie.
En plus, il y a le bonheur aussi des enfants qui, dans la classe, se sentent aussi différents. Et qui ont envie d’expliquer. J’accueille cette année des enfants avec différents troubles des apprentissages ou de la personnalité. Quand on explique aux enfants, ils ne sont pas obligés de compléter avec leur imagination, ni avec les choses fausses qu’ils ont pu entendre.
La journée se termine avec deux garçons, réputés pénibles.
L’un me remercie de toujours parler des différences et de les expliquer. Il est dys et jusqu’à ce que j’explique son trouble à ses camarades en début d’année, il le vivait mal. Plus maintenant. Je lui ai attribué un super pouvoir et il en est fier. (J’espère vous en parler dans un livre jeunesse, un jour).
Le second est un gamin que j’adore : gitan, il a du mal à venir à l’école. Mais quand il est là, ma journée est lumineuse. C’est ce que je lui d’ailleurs, pour le faire venir le lundi. Qu’il ne peut pas me laisser affronter ça seule, sans son sourire. Parfois, ça marche. Parfois non. Mais quand il revient, il s’excuse de m’avoir fait faux bond. Il est heureux de parler de la différence, lui que les autres pointent souvent du doigt. Et puis son cousin est porteur de trisomie 21, il a été content de pouvoir en parler. Leurs « merci » en fin de journée sont les plus belles choses que l(on peut vivre dans ce métier d’enseignant.
Super! Je l’attendais, ton billet.
J’espère qu’il t’a plu 😉
A te lire j’ai une boule dans la gorge, c’est beau, c’est émouvant et ça donnerait presque envie de devenir enseignant, enfin, devenir un enseignant comme toi, un de ceux qui savent parler à ces ados qui en ont besoin ; un enseignant avec un cœur énorme qui fait avancer les choses, pas à pas. Merci !
Merci à toi 😉
Qu’il est beau ce billet
Qu’ils sont chouettes tes élèves
Et ils ont une prof épatante
Merci ma douce 😉
Ils ont bcp de chance de t’avoir. . .s’ouvrir à la différence et l’accepter à la fois pour les porteurs de cette différence et en société. Le sujet m’est proche tu le sais. Il n’est pas facile de faire face à la société mais dans notre cas le plus dur est l’acceptation de cette différence par la personne concernée elle même avec des troubles de santé qui s’en mêlent . Bref un sujet lourd dans les familles. Le mot « mongol » est très utilisé, pas simple parfois même de dire que ce n’est pas approprié et que ça renvoie à bcp de choses pour nous. En tout cas quelle belle idée de leur parler et les faire parler. Ton humanité est belle et c’est grâce à des gens comme toi que des enfants vont bien à l’école. J’aurais tellement aimé te voir débarquer au collège lol. Bisoussss
Chacun avec ses petits moyens peut faire avancer les choses. J’y crois 😉
C’est chouette que tu es pu en parler avec tes élèves, j’ai l’impression que mes collègues ne pensent QUE « programmes » alors que nos élèves ont besoin aussi d’autre chose… Bref moi je n’en ai pas entendu parler au collège à part deux 3ème qui sont venus me demander l’espérance de vie des personnes trisomiques et je ne savais même pas leur répondre mais du coup ça m’a donné l’occasion de me renseigner 🙂
Comme les élèves, j’ai envie d’autre chose que de programmes, moi aussi 🙂
C’est super important de les aider à s’ouvrir sur le monde.
Merci de me lire 😉
tu es toujours très touchante quand tu parles de sujets qui te touchent! (je compte d’ailleurs partager ton billet sur les petits Roumains dans le métro dans mon billet Oyez! Oyez du 2 avril) <3
Merci beaucoup Enna 😉
ton billet est très beau, je me suis tout de suite demandée si mes enfants savaient ce que c’est que cette fameuse trisomie 21, je pense connaître la réponse 🙁 Ton élève gitan a l’air extraordinaire ! J’ai un élève grand dyslexique qui d’emblée, à l’entrée de 6è m’a dit qu’il était différent, en a parlé ouvertement devant toute la classe. Lorsqu’il est absent, j’en parle aux autres et leur regard est plutôt bienveillant.
On fait un beau métier tout de même 🙂
<3 Epicétou…
C’est ça 😉