Partager la publication "Les grands esprits – Olivier Ayache-Vidal"
Encore un film sur les profs ? Oui mais Les grands esprits est sans doute un des plus justes qu’il m’ait été donné de voir. Et porté par des gens talentueux, ce qui ne gâche rien.
Lundi dernier, après une journée de rentrée consacrée à accueillir nos nouveaux 6e, j’ai bravement affronté les transports. Un soir de rentrée, aller voir un film sur l’école, c’est faire preuve d’un peu de masochisme. C’est vrai. Mais une invitation à une avant-première et à une discussion avec le réalisateur, ça ne se refuse pas. Et puis, il y a la curiosité. Que va-t-on encore montrer de ces établissements de banlieue dans les Grands Esprits ?
Le pitch semble improbable et pourtant, je vous assure qu’il tient la route. François Foucault est un professeur agrégé du prestigieux lycée Henri IV, à Paris. On peut dire qu’il terrorise et humilie ses élèves plus qu’il n’est respecté. Lors d’une séance de dédicaces du dernier livre de son père, il se prend à dire à voix haute que ce sont les profs les plus expérimentés qui devraient aller enseigner aux classes les plus difficiles. Ne jamais parler quand on ne sait pas à qui on s’adresse… De fil en aiguille et pour ne pas perdre la face, François finit par accepter de passer une année dans un collège dit sensible du nord de la région parisienne. Et là, forcément, c’est le choc. Les grands esprits ne sont pas forcément ceux auxquels on s’attend.
Un film longuement mûri et documenté
Le réalisateur a passé un peu plus de deux ans en immersion dans un établissement du Val de Marne. Il a suivi les profs et leurs élèves dans les salles de classe, dans la cour et jusque dans les réunions et conseils de discipline. Il a observé, partagé, récolté de la matière et ça se sent.
Mon seul bémol va sans doute à certains passages que je n’ai pas trouvés creusés, qui allaient trop vite. On peut parfois peiner à comprendre comment certaines choses se sont résolues. Je pense que cela respecte la volonté de nous mettre dans la tête du prof, qui forcément ignore certaines choses. Mais on se sent un peu frustré de voir une année scolaire entière résumée aussi vite.
Alors, il raconte la vérité, ce film ?
La vérité n’existe pas quand il s’agit de relations humaines. Tout est question de point de vue et de sensibilité. Néanmoins, la plus grande vertu de ce film est de ne pas chercher à en faire des caisses, ni à créer du sensationnel. On y montre certains pans de vie d’un établissement : les élèves qui renâclent, les profs qui n’en peuvent plus, l’administration parfois dépassée et tiraillée.
François ne va pas non plus tomber dans la caricature. Il en prend plein les dents car il s’aperçoit qu’il n’est pas à sa place, qu’il n’a pas les codes. Et que d’ailleurs, les siens ne sont pas forcément les bons. L’enseignant se remet en question, tout du long. Il ne se fait pas trop lourdement chahuter et il ne termine pas en héros sauvant la plèbe. Il vit, comme tout enseignant, des moments de joie intense, et d’autres de découragement total. Car un même élève peut disjoncter après avoir réussi à donner le meilleur de lui-même. Mais c’est la dure loi de l’adolescence, exacerbée par la difficulté qui règne dans ces quartiers.
Les autres enseignants sont très touchants également. La collègue d’histoire voudrait tellement réussir à les tenir mais elle n’y parvient pas. On sent sa douleur et sa détresse. Et puis, il y a celui qui se la joue un peu « gros con ». Ce qui est un peu dommage, c’est qu’on pense que c’est juste un abruti. Ces profs-là sont souvent ceux qui en ont le plus pris plein la gueule et se sont forgé une carapace pour ne pas sombrer. On ne leur tend pas assez la main, à ces gens-là. On n’imagine pas ce que c’est d’être seul des journées entières face à des classes qui peuvent se montrer hostiles.
Aucune caricature des enfants
Et Dieu qu’ils sont touchants, tous. Car ils sont vrais. Et j’ai tellement aimé le personnage de Seydou. J’en ai rencontré tellement des mômes comme lui pendant mes années ZEP. Ce genre de môme perdu entre une colère dingue et une fragilité incroyable. Ses camarades aussi sont justes, cela tient sans doute au fait qu’ils sont dans leur établissement, qu’ils se connaissent. Alors ils jouent à être eux-mêmes finalement. Et comme cela rend bien !
Autour d’eux gravite Denis Podalydès qui est un comédien hors pair. Il emmène ces grands esprits d’une main de maître. Bravo !
J’ai rarement envie d’aller voir un film sur l’école et mes sorties ciné sont malheureusement assez rares mais je te fais confiance alors je note ce film dans un coin de ma tête.
En espérant qu’il te plaise alors 😉
Bonjour Stéphie, j’ai pris un grand plaisir à voir ce flm (et pourtant, je ne suis pas une grande fan de Podalydès que j’ai trouvé très bien). Après Otez-moi d’un doute vu la veille, je trouve que le cinéma français se porte bien. Bonne après-midi.
Je note ta recommandation alors. J’aime beaucoup le cinéma français 🙂
Ca me tente bien. Perso j’avais beaucoup aimé « Entre les murs » et surtout « Les héritiers » avec Arina Ascaride, très touchant.
Eh bien, tu vois, j’avais détesté les deux films dont tu parles, surtout « Entre les murs » que j’avais trouvé bourrés de clichés, justement 😉
même réflexion que Saxaoul, je me suis d’abord dit « encore »! et puis finalement, quelques interviews + ton beau billet … why not?
Voilà, à tenter 🙂
Absolument pas tentée ! Ca a l’air rempli de clichés…
Vous avez le droit. Néanmoins, je le répète, on est loin des clichés. Et c’est en cela que le film est réussi. Parole d’enseignante qui a traîné ses pompes dix ans dans l’enseignement prioritaire 😉
Vu aussi, bien aimé mais une grosse sensation de déjà vu…
Ah ça, l’école n’est pas réinventée, c’est certain. Mais il y a beaucoup moins de clichés et ça fait du bien 🙂