Une photo, quelques mots (38)

   attendre

© Kot

    J’ai tout mon temps, vraiment. Des semaines que tu me refuses ce face-à-face auquel j’ai droit. Des jours à rejouer en boucle dans ma pauvre âme perdue les raisons de ta rupture. Des heures à retourner les scénarios dans tous les sens. Et ne pas comprendre ce revirement subit.

    Alors, j’attends. Regardant ce maudit téléphone avec insistance, espérant que tu vas le faire sonner, que tu vas te raisonner. Bulle de savon accrochée à sa petite paille, prête à être soufflée et rendue aux caprices du vent.

    Il te faudra parler si tu veux monter dans ce train, il te faudra me pousser si tu veux m’éviter. Je sais que tu aimes la confrontation, nos corps qui se poussent, nos mains qui cherchent les limites, les dents qui s’entrechoquent. Alors quoi ? Je ne suis plus une pâte suffisamment malléable ? Je n’éponge plus assez ta colère, ton dépit ? Mon petit corps fragile, tu l’as déjà trop malmené ? Mon pauvre coeur malade ne suffit plus à tes mots cassants ?

    Je te promets de ne plus me rebeller. Je sais que ce que tu fais, tu le fais par amour. Que cette façon de me briser, c’est surtout une manière de me protéger. Et puis, il y a cette manière que j’ai de te provoquer, de te pousser dans tes derniers retranchements. Cette lueur, à la limite de la folie, qui surgit dans tes yeux. Ce moment où tu me fais à la fois peur et où tout mon corps aspire au choc. Cet unique moment où j’ai l’impression que je suis tout à toi, que tu es tout à moi. Cet instant ou chacun de tes doigts va s’imprimer dans ma chair.

    Et puis ensuite, le calme, le remords dans tes yeux, l’amour qui nous irradie. La douleur dans mon corps, maigre prix pour pouvoir être celle que tu as choisie. Alors promis, je ne douterai plus, je ne me soustrairai plus. Laisse-moi encore une chance d’être ta chose.

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32 réflexions au sujet de “Une photo, quelques mots (38)”

  1. Woh! Quel choc! L’emprise de celui qui frappe et la manière dont elle se sent coupable alors qu’elle est victime sont tellement bien exprimé… Magnifique!

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  2. Olala … non, non, non … « Que cette façon de me briser, c’est surtout une manière de me protéger » … juste impensable. Mais je sais bien que certaines sont en plein dedans, et s’accrochent à leur chaos (pour reprendre une de mes expressions)

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  3. « Et ne pas comprendre ce revirement subit. » Je l’ai vécu il y a peu ce revirement incompréhensible. L’histoire était totalement différente mais cette phrase m’a saisie. Tu parles toujours très bien des relations amoureuses compliquées. Encore un texte très fort.

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  4. Un texte bien dur, d’autant plus que représentatif… On est toutes passées par là, à certains niveaux.
    Mais des relations douloureuses, passionnées et/ou destructrices dont on ne veut pourtant pas se passer, qu’on choisit de vivre malgré tout, en sachant que…

    Très beau texte !

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    • Merci Cess ! En effet, quelle obstination parfois à se jeter à corps perdu dans des situations qui ne nous épanouissent pas

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