Georgia de Julien Delmaire

    Non, non, non, ce n’est pas parce que l’auteur a la peau ambrée et des locks que j’ai eu envie de lire ce roman. Bon, certes, le bandeau a georgiaattiré mon œil. Mais ne m’accusez pas ainsi, je suis une lectrice digne, qu’on se le dise…

    Bon, sérieusement. Ce premier roman raconte comment deux destins se croisent, comment deux âmes perdues vont essayer pendant un temps trop court de s’offrir un peu de douceur dans ce monde de noirceur. Mais c’est malgré tout la fatalité qui les rattrape.

    Le roman démarre en nous parlant de Venance. La narration revient sur le parcours de cet homme dont le corps est déjà froid, prêt à être enterré. Venance c’est l’homme noir, qui a quitté son Sénégal natal, fort de trouver en France le salut et la vie rêvée. Sauf que… pour lui non plus, le territoire des droits de l’homme ne sera pas l’Eldorado convoité. Il vit de quelques sous dans une minuscule chambre de bonne sous les toits. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne mange pas à sa faim tous les jours. Et puis, il y a la peur incessante de la police, du contrôle d’identité et du retour forcé…

    Et puis sa route croise celle de Georgia, une jeune femme à la dérive, mais pas pour les mêmes raisons. Georgia est blanche, elle n’a donc pas les mêmes craintes que Venance. Mais elle est sans domicile et s’oublie dans la drogue. Pour se procurer sa dose, elle n’a que son corps, alors elle le cède… pour oublier quelques instants que le manque reviendra…

    Alors ces deux personnages vont se croiser. Et s’aimer. Enfin à leur manière… car Georgia n’aime plus, Georgia ne vit que par et pour la drogue. Et en fil conducteur, il y a ce magnifique air de Ray Charles…

    C’est un roman fort, très sombre, porté par une écriture poétique mais de cette poésie qui vous incise les chairs en profondeur, de cette poésie qui ne supporte aucun compromis, dont les images au lieu d’atténuer vous balancent coup de poing après coup de poing. Certains passages m’ont semblé rythmés tel un slam ou un rap. Ce texte est à la fois une réussite dans son fond et dans sa forme donc. L’auteur offre un premier roman très travaillé, exigeant, au vocabulaire précis et recherché (j’ai dû ouvrir le dictionnaire et j’ai découvert des mots qui m’étaient inconnus… merci !)

    Merci aux chroniques_footer1

 

Rentrée 2013

23 réflexions au sujet de “Georgia de Julien Delmaire”

    • Non, je t’assure que c’est quelque chose qu’on ne retrouve pas chez cet auteur. Le vocabulaire et le style ne plombent rien. Et on ne sort pas le dictionnaire à tous les mots non plus. Je l’ai sorti quatre fois et me suis d’ailleurs aperçue que ce n’était pas juste pour faire « style, j’ai du vocabulaire » mais que les mots choisis étaient vraiment ceux qui correspondaient. Je te donne un exemple. Je ne connaissais pas le mot « flavescente » (peut-être est-ce moi qui manque cruellement de vocabulaire) qui signifie « couleur qui tire sur le jaune ». Delmaire utilise juste le bon mot.
      Et moi j’apprécie de pouvoir enrichir mon lexique et de me dire qu’il existe encore une multitude de mots à découvrir.

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      • Je te rassure je ne connaissais pas ce mot -là non plus. Je comprends ce que tu veux dire. Je retrouve ce même foisonnement lexical chez les auteurs créoles. Pour ça que je me régale autant avec Chamoiseau, sans doute un des plus grands stylistes actuels. C’est toujours un bonheur de plonger dans ses textes, ne serait-ce que pour la richesse de sa langue.

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        • C’est exactement ça. J’adore les auteurs créoles aussi ! Tu connais Alain Foix ? C’est un auteur guadeloupéen de grand talent aussi. Et puis je me suis mise aux plumes haïtiennes récemment et c’est aussi un grand bonheur littéraire.

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  1. Je crois bien que c’est la première fois que j’en entends parler. Merci pour la découverte, ça semble au moins être un roman qui se démarque du tout-venant de la rentrée littéraire… Il est apparemment disponible dans ma bibliothèque, j’essaierai de penser à le prendre !

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    • Ah oui, c’est vraiment un objet littéraire. Je prends beaucoup de plaisir à lire les auteurs « noirs » français ou francophones. Je pense qu’actuellement, ils sont de ceux qui rendent le plus hommage à la langue française, peu importe le sujet qu’ils choisissent.

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        • Et il excelle tant dans ses romans que dans ses essais. Et son théâtre est splendide ! Je l’ai vu deux fois sur scène et j’en garde un souvenir impérissable ! il faut lire Alain Foix!!

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  2. Oui, oui, Stéphie vous êtes indéniablement une lectrice digne et généreuse, puisque vous m’avez fait découvrir Alain Foix et que vous me donnez envie de le lire sur le champ. Si vous ne l’avez pas encore lu, les éditions Zulma viennent de republier ce mois ci « Gouverneurs de la Rosée » le chef d’œuvre de l’écrivain Haïtien Jacques Roumain. Ce livre est un monument, le genre de littérature qui fait ployer les âmes. Merci de votre lecture sensible de mon livre, ça fait vraiment plaisir.

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    • Woaw, je suis hyper touchée que vous ayez laissé un commentaire (et rouge de confusion des âneries dites en début de billet… rires). Un de mes collègues, haïtien, m’a prêté il y a peu le roman de Jacques Roumain en me disant en effet que je ne pouvais pas faire l’impasse sur ce livre. Lecture imminente donc. Et c’est une belle initiative de Zulma de le republier.
      Pour la lecture sensible, merci. Mais surtout merci à vous pour ce roman et pour ces deux personnages si forts. Et merci de rendre hommage à la langue française aussi.

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      • Et pour Alain Foix, repassez me parler de votre lecture. Il a écrit des choses très différentes (grande qualité d’un auteur à mes yeux). Il a écrit une autobiographie à deux voix (il varie la 1ere et la 3e personne), très belle qui s’appelle « Ta mémoire, petit monde »

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  3. Bon, sinon je ne sais pas si je note, parce que bon, je n’ai qu’une vie et là je vais crouler sous les bouquins, mais en même temps, quelque chose m’attire dans ce livre (et non, ce ne sont pas les locks ! :P)

    (D’ailleurs, y en a un que je ne balancerai pas qui appelle ça des redlocks … :lol:)

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    • Hi hi hi. Je pense que tu aimerais ce roman, c’est certain puisque tu es une amoureuse des mots. Et faut te remettre à Alain Foix aussi, hein 😉

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  4. Je confirme les propos de Julien Delmaire à propos de Gouverneurs de la Rosée, un roman magnifique trop souvent méconnu.

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