Kinderzimmer de Valentine Goby

On croit toujours qu’on a beaucoup lu sur les camps de concentration, on croit qu’on en a même trop lu. Et pourtant, on se trompe. kinderzimmerNon seulement parce qu’on ne mettre jamais assez l’accent sur les folies dont peuvent se rendre coupable les hommes mais également parce que régulièrement, on tombe sur un roman qui parle d’un aspect encore peu traité ou qui en parle tellement différemment… et le roman de Valentine Goby n’est pas un simple roman de plus sur le sujet, c’est surtout un roman coup de poing, un roman qui prend aux tripes, un des ces romans qui fait entendre des cris de bébé la nuit…

Quand la jeune Mila est déportée, elle découvre qu’elle est enceinte. Du moins, elle le suppose puisque ses règles ont disparu. A Ravensbrück, commence la terrible lutte pour la survie, pour garder un semblant de dignité, pour échapper aux sélections. Alors c’est bien à son insu, au final, que grandit en son corps ce bébé à naître, ne prenant pas de place, bougeant à peine, comme s’excusant d’exister avant même d’être né. Quel avenir peut donc avoir un enfant naissant dans cet enfer ?

Mais Mila va faire de chaque jour un combat. Elle va mettre son enfant au monde et celui-ci va être accueilli dans un endroit qu’on n’aurait pas soupçonné dans un endroit pareil : la Kinderzimmer. Une nurserie au sein du camp. Un endroit où on tente de faire survivre les bébés de ces femmes déportées, un endroit où les bébés sont déjà vieux à leur naissance, un endroit porteur de mort plus que d’espoir. Mais un îlot pour ces femmes, malgré tout, un espoir que la vraie vie puisse encore exister, quelque part, en dehors de ces murs, une preuve que la vie peut naître dans cet endroit de mort.

Si la vie de Mila dans le camp attrape le lecteur aux tripes avant la venue de l’enfant, c’est surtout le récit qui suit la naissance qui m’a bouleversée. Comme je le disais au départ, j’ai lu beaucoup de littérature concentrationnaire, autour de laquelle j’avais même suivi un semestre à la fac. Mais ce récit combine l’horreur d’une époque et l’horreur de mères tentant de faire survivre leur enfant alors qu’elles peinent déjà à survivre elles-mêmes. Cette souffrance, elle nous prend au corps, elle nous prend au coeur. La romancière réussit un coup de maître avec ce roman poignant qui de plus ajoute à la force de l’histoire, celle des mots. Grâce à cette très belle écriture, Valentine Goby introduit un faisceau de lumière au milieu des ténèbres, elle montre à quel point l’instinct de survie et la rage d’avancer ont pu permettre à certains de survivre à l’insurmontable. On la remercie donc de prêter sa voix et de continuer à communiquer sur ce qu’on aurait pu imaginer indicible.

Les avis de Jostein, Sophie L, Clara, Cajou

Rentrée 2013

48 réflexions au sujet de “Kinderzimmer de Valentine Goby”

  1. Pour toutes les raisons que tu viens si bien d’évoquer… il me faut lire ce roman très vite ! En haut de la pile, même si ce n’est pas trop une lecture de vacances…

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  2. Ta très belle chronique ajoute une voix supplémentaire en faveur de ce roman. Il ne fait pas l’unanimité mais ceux qui ont été « pris aux tripes » ( comme tu le dis) en parle très bien.

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    • Merci pour ton gentil commentaire. Tout le monde n’a pas été convaincu, c’est normal. C’est difficile et l’écriture est particulière, ambitieuse.

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  3. Comme toi, j’ai suivi un cours durant 1 an sur la littérature concentrationnaire à la FAC, et ce roman m’a semblé porter un regard tout à fait neuf, qui m’a touché d’une façon différente, et plus intense, que les autres.
    Des bisous

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    • On parle moins de la vie des femmes dans les camps que celle des hommes. Tu as lu Charlotte Delbo ? Ca m’avait beaucoup remuée aussi et ce n’était pas de la fiction, donc forcément… Bises ma belle

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  4. Je l’ai lu sans le chroniquer, et je dois dire que j’ai eu beaucoup de mal, notamment avec la question de l’enfant (légitime ou non) car j’ai trouvé son traitement très décevant, à la fois dans le camp et après. Mais l’idée de départ était bonne.

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    • Oui, je pense qu’on n’aura jamais tout dit. Chaque épisode tragique de l’Histoire comporte tant de pans plus sordides les uns que les autres.

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  5. Je voulais le lire à sa sortie, puis je l’avais un peu oublié. Là, je crois qu’il sera dans ma prochaine commande ! Je crois qu’il a tout pour me plaire !

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  6. Je l’ai cherché sans le trouver dans ma petite librairie. Je le garde sur ma liste, je ne connaissais pas du tout l’existence de ces nurseries dans les camps, pourtant comme toi j’ai beaucoup lu sur ce sujet. Merci pour ce billet, très éclairant!

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    • En effet, on a l’impression qu’on n’aura jamais fini d’apprendre des choses sur cette période sombre de l’histoire…

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