La joueuse d’échecs de Bertina Henrichs m’a été prêté par ma copine Gio, que je remercie. Je l’ai lu quasiment d’une traite, je me suis juste arrêtée pour le repas, afin de montrer à mes hommes que j’étais toujours vivante.
J’ai été complètement happée par cet univers et par le destin si peu commun de cette femme en apparence banale.
L’histoire :
Eleni est une femme qui a la quarantaine et vit sur l’île de Naxos dans l’archipel grec. Elle est femme de chambre et aimé beaucoup son métier car elle se plaît à inventer des histoires sur les occupants de ses chambres, et puis ele aime aussi beaucoup sa patronne qui est la gaieté incarnée. Eleni est mariée à Panis dont elle a deux enfants. Panis, comme de nombreux hommes de l’île, est un passionné de trictrac. Mais il est souvent au bar de l’Arménien pour y jouer.
Un jour, où elle fait la chambre d’un couple de français, elle tombe sur un jeu d’échecs. Elle a alors l’idée d’en acheter un jeu pour l’anniversaire de son mari, et espère ainsi qu’ils vont découvrir ce jeu ensemble. Mais Eleni est à mille lieues d’imaginer où ce jeu va la conduire.
Ce que j’ai envie d’en dire :
Ce livre m’a tenue en haleine du début à la fin. De plus, j’ai beaucoup aimé l’écriture de cet écrivain dont c’est le premier roman. On y découvre la vie et la place des femmes dans la société grecque ; et les préjugés ont la part belle.
J’ai aimé :
* la réflexion d’Eleni sur le rôle de chaque pièce de l’échiquier : on revoit ce jeu d’un tout autre oeil
* le portrait de Kouros à la page 78 du livre; mais tout son personnage aussi : une vraie réussite
* la façon dont Eleni se crée un nouveau monde devant les 64 cases de son échiquier
* le personnage du mari, complètement décalé et impuissant devant l’émancipation de sa femme. Le passage où il la suit m’a d’ailleurs beaucoup fait rire
* l’épisode de la pneumonie (ceux qui me connaissent comprendront que ça a drôlement résonné pour moi).
Quelques passages :
* » Et en bon fils de son père et de sa mère, qui ne lui avaient jamais enseigné autre chose, il pensa également que les femmes, par leur constitution, étaient sujettes à des sautes d’humeur incompréhensibles, et qu’il était plus prudent de les laisser seules dans des cas-là. En l’occurence, cette croyance, fondée sur un concept douteux, arrangeait tout le monde. »
* « Les plus grands scandales étaient les plus faciles à cacher. Les gens font bien plus confiance aux idées qu’ils se sont forgées qu’à leur discernement immédiat, avait-il coutume de se dire. »
* La perception d’Eleni de la langue française : » Son approche linguistique était uniquement sonore. Parfois elle écoutait son murmure dans la salle à manger. Il lui semblait que cette langue, et c’était bien son atout majeur, manquait totalement de sérieux. Aux oreilles d’Eleni, elle n’avait aucun ancrage dans la Terre. Sesmots dansaient sur un parquet ciré, faisant de petites arabesques, des courbettes, se saluant, tirant des chapeaux invisibles dans un frémissement de satin et de tulle. Ces douces glissades devaient bien avoir des significations précises, désigner de vraies choses, Eleni en convenait, et c’était justement ce paradoxe qui lui paraissait formiadable. Ce déploiement ailé de danseurs d’opéra pour demander le sel,ou s’enquérir du temps, n’était-ce pas le comble du luxe ? »
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